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Les produits bio espagnols sont-ils du "faux bio", comme le dénonce Ségolène Royal ?

Publié le 31 janvier 2024 à 18h33, mis à jour le 4 février 2024 à 10h56

Source : JT 20h WE

Ségolène Royal a demandé ce mardi à ce que tous les produits d'origine française soient "isolés et identifiés" dans les rayons.
Car selon l'ancienne ministre de l'Environnement, les produits bio espagnols seraient du "faux bio".
Nous avons voulu en savoir plus sur cette accusation.

Pour Ségolène Royal, les produits bio seraient une "grosse arnaque". Ce mardi 30 janvier, l'ancienne ministre de l'Environnement a demandé à ce que les productions d'origine France soient "isolées et identifiées" dans les rayons de supermarché afin de les séparer des aliments importés. Argument de la ministre sur BFM : "les produits bio espagnols sont de faux produits bio", contrairement à ceux commercialisés par l'agriculture française qui "fait un effort de qualité et de santé". 

Des critères harmonisés au niveau européen

Selon les données de l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique (Agence Bio), 28% des produits bios vendus en France étaient importés en 2022. Parmi eux, plus de la moitié provenaient de pays européens, dont l'Espagne et l'Italie, principaux pays d'origine de biens comme l'huile d'olive, les fruits et les légumes. Alors, tous ces produits se valent-ils ? 

Pour rappel, il existe plusieurs dizaines de labels. Certains sont officiels, d'autres sont publicitaires, mais uniquement l'un d'eux est européen. Baptisé "l'Eurofeuille" et symbolisé par une feuille verte, il indique que la production est conforme au règlement de l'Union Européenne (UE) sur le bio

Depuis 2007, celui-ci décrit l'agriculture biologique comme un "système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l'application de normes élevées en matière de bien-être animal et une méthode de production respectant la préférence de certains consommateurs à l'égard de produits obtenus grâce à des substances et à des procédés naturels". 

Label bio de l'Union européenne
Label bio de l'Union européenne - Commission européenne

Voilà pour la volonté du label. En pratique, l'Eurofeuille garantit le respect d'un minimum de critères : l'utilisation d'OGM et de certains produits est interdite, tandis qu'un produit transformé ne peut porter le logo biologique que s'il contient au moins 95% d'ingrédients biologiques, et seulement si les 5% restants respectent des conditions strictes. 

Contrairement à ce que dit Ségolène Royal, un producteur de tomates bios espagnols n'a donc pas plus le droit de recourir à une technologie phytosanitaire interdite par la règlementation européenne que son homologue français. Seule exception : une dérogation accordée à titre temporaire, qui peut intervenir dans certains cas particuliers, comme la lutte contre "une maladie particulière", et "pour lesquels on ne dispose ni d'alternatives sur le plan biologique, physique ou de la sélection des végétaux", précise le règlement

Des critères considérés parfois comme insuffisants. Ce qui pousse certains labels à aller encore plus loin, en étant vertueux pour l'environnement et la biodiversité, comme nous vous l'expliquions ici. Reste qu'un récent rapport de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) - portant sur des échantillons de 2013, 2014 et 2015 - a révélé que des résidus pesticides étaient sept fois plus présents dans les aliments conventionnels (44%) que dans les biologiques (6,5%). 

Comme pour tous les autres règlements, ce texte n'est qu'une base et ne garantit pas l'homogénéisation parfaite des produits. Chaque État peut en effet décider de contraintes supplémentaires, plus restrictives, ou modifier sa législation en fonction de la manière dont il interprète la réglementation. 

Par exemple, Bruxelles préconise que les éleveurs achètent la moitié de l'alimentation de leur élevage dans la "région" : si la France applique cette règle à la lettre, d'autres pays comme l'Allemagne considèrent que la terminologie recouvre l'ensemble des 27. Autre différence dans le cahier des charges appliqué : en 2019, une loi a interdit les producteurs français de poser le label bio sur des tomates issues de serres chauffées en hiver. Une pratique largement répandue en Espagne, ce qui explique que des tomates bio se retrouvent dans nos étals hors saison, et qui a été à nouveau autorisée en France depuis l'été dernier. Dans une décision rendue le 28 juin 2023, le Conseil d'État a justement estimé que les autorités françaises n'étaient "pas compétentes" pour édicter de nouvelles dispositions relatives à la production et à la commercialisation de produits biologiques, déjà encadrées par un règlement européen.

REPORTAGE - En Espagne, des tomates bio, mais pas si écolosSource : JT 20h Semaine

En résumé, affirmer que le bio espagnol serait du "faux" bio est trompeur. Comme les autres pays de l'UE, ces produits respectent la réglementation européenne, mise en place précisément afin d'harmoniser cette appellation sur le continent. Toutefois, il est vrai qu'au sein de l'Union européenne (UE), certains labels permettent aux producteurs d'aller plus loin. En France, il s'agit par exemple du label Bio Équitable et de Demeter, dont les bénéfices environnementaux et socioéconomiques sont jugés plus avantageux que l'Eurofeuille par l'UFC-Que Choisir

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Felicia SIDERIS

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